Phagothérapie : des virus pour nous aider à lutter contre les bactéries résistantes aux antibiotiques ?
Posté par Jérôme Larché le 1 mai 2016
Les antibiotiques ont constitué l’une des grandes avancées médicales du XXe siècle pour faire reculer les principales maladies infectieuses : tuberculose, lèpre, pestes, nombreuses infections sexuellement transmissibles… Toutefois, leur utilisation massive et parfois excessive chez l’homme comme chez l’animal, combinée au ralentissement dans la découverte de nouvelles classes d’antibiotiques, aboutit aujourd’hui à ce que se développent de plus en plus de bactéries résistantes aux traitements existants.
Les bactéries dites « multirésistantes » impliquent l’augmentation des impasses thérapeutiques conduisant à des prolongations douloureuses et coûteuses des maladies contractées, voire à des amputations ou à des décès !
Une situation qui doit notamment nous pousser à considérer d’autres approches thérapeutiques complémentaires aujourd’hui marginalisées, comme la phagothérapie.
Qu’est-ce que la phagothérapie ?
Il s’agit d’un traitement anti-infectieux basé sur l’utilisation d’un virus s’attaquant aux bactéries qu’il va détruire (« phage » correspondant à la racine grecque de « nourriture » ; littéralement un bactériophage est une « entité », en fait un virus, qui mange les bactéries), pour traiter les infections que les bactéries provoquent. On parle de « bactériophages », ou plus simplement de « phages ».
Il existe une immense diversité de phages qui sont omniprésents dans notre environnement, y compris dans notre système digestif. Une particularité des phages est d’être chacun très spécifique d’un type de bactérie précis, ce qui présente un double avantage : n’attaquer que la bactérie pathogène sans tuer les « bonnes bactéries » (contrairement aux antibiotiques qui ont un large spectre), et surtout ne pas infecter les cellules humaines (les phages sont éliminés lorsque la bactérie pathogène est éradiquée).
Pourquoi la phagothérapie est-elle quasiment inexistante en France ?
Si elle a complètement disparu depuis plusieurs décennies des stratégies thérapeutiques utilisées dans les pays Occidentaux, l’usage de la phagothérapie dans le traitement des infections bactériennes était apparu en France en 1919 et s’était répandue dans les années 1930. La découverte des antibiotiques, mêlée à différentes mises en doute de l’efficacité de la phagothérapie, a mené à l’abandon de cette dernière… sauf en Europe de l’Est où elle n’a jamais cessé d’être utilisée, notamment en Géorgie et dans une moindre mesure en Pologne où elle est encore largement pratiquée. C’est grâce à ces pays que nous pouvons aujourd’hui nous reposer sur une expérience empirique des potentialités que présentent les traitements à base de phages en termes d’efficacité et de sûreté thérapeutiques, au moment où nous sommes dans l’obligation d’envisager toutes les alternatives et les approches complémentaires possibles face aux limites que présentent les antibiotiques.
Pourtant, des obstacles scientifiques s’érigent sur la voie du développement de la phagothérapie. En effet, s’agissant de traitements considérés comme médicamenteux, les procédures d’autorisation de mise sur le marché (AMM) impliquent des essais cliniques longs et coûteux que les grands groupes pharmaceutiques ne sont pas prêts à porter pour des produits de phagothérapie qui sont hyper spécifiques à chaque souche de bactérie et donc peu adaptés au développement industriel, et par ailleurs difficilement brevetables.
Des pistes, encore trop timides, pour réhabiliter la phagothérapie dans les pratiques de la médecine occidentale
D’un point de vue réglementaire, différentes options sont à l’étude par la Federal Drug Administration aux Etats-Unis ou par l’Agence européenne du Médicament au sein de l’UE pour permettre l’application d’une réglementation spécifique et adaptée aux traitements de phagothérapie. En termes de validation scientifique, des études cliniques solides chez l’homme commencent à pouvoir être menées sporadiquement grâce à quelques financements qui ont été débloqués. Toutefois, aucun de ces obstacles n’a encore été réellement dépassé pour permettre la réhabilitation des phages comme option thérapeutique validée et effective.
Par ailleurs, il faudra encore développer les capacités industrielles pour produire, quantitativement et qualitativement (en tenant compte des exigences sanitaires actuelles), les phages nécessaires aux traitements des pathologies pour lesquelles ils peuvent être adaptés.
Bref, la phagothérapie reste aujourd’hui un simple espoir d’alternative thérapeutique… prometteur mais toujours virtuel en France pour l’immense majorité d’entre nous. Elle n’en reste pas moins un dossier à suivre de près par ceux qui souhaitent supporter son développement au-delà des rares cas d’usage compassionnel que l’on constate actuellement dans les pays occidentaux.
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